Admirable page de St Marc, à la fois concrète et hautement symbolique.
Nous sommes en Galilée, près du lac. Jésus, avec ses quatre premiers disciples vient ce jour-là d’inaugurer sa mission un jour de Sabbat, à Capharnaüm, bourgade où Pierre habite. Dans la synagogue, Jésus a parlé, il a enseigné. il a aussi accompli son premier miracle en guérissant un possédé. Car il est aussi celui qui nous délivre du Mauvais, qui nous délivre du mal, comme nous le demandons à la fin du Notre Père. En tous cas, ce matin là le succès a été énorme et la nouvelle se propage rapidement.
Le soir approche et l’on rentre à la maison, c’est à dire chez Pierre dont la belle-mère est malade. Jésus se rend auprès d’elle. Nous assistons là à une scène à la fois sobre mais tellement significative de la tendresse du Christ, signe vivant de la tendresse de Dieu, non seulement pour cette femme mais pour tous les malades et au delà, pour tous ceux qui souffrent : « Il l’a prit par la main et la fit se lever ».
Et puis voilà qu’au coucher du soleil, le Sabbat terminé, les gens peuvent bouger et se déplacer. Ils arrivent de partout, amenant leurs malades. Toutes les misères humaines sont là qui se pressent et se bousculent à la porte : image de toutes les souffrances physiques et morales du monde, celles de ce temps-là comme de celles d’aujourd’hui. C’est la longue litanie de plaintes dont Job était tout à l’heure l’interprète dans la première lecture. Job ! Cet homme terrassé par la souffrance physique autant que morale, incompris par ses proches et apparemment incompris par Dieu…… « Pourquoi ? qu’ai-je donc fait pour subir un pareil sort ? » Eternelles questions que nous posons aussi, lorsque surgit l’insupportable ! Heureusement pour lui, Job ne lâche pas la prière, car c’est justement dans ces moments-là qu’il ne faut pas y renoncer. Dans cette prière, parfois accusatrice, Job va passer progressivement de l’image d’un Dieu « paratonnerre », unDieu qui stopperait l’épreuve avant qu’elle ne nous arrive, à la réalité d’un Dieu qui, à l’image d’un père impuissant devant la souffrance d’un enfant, vient avec lui, non pas l’expliquer mais la partager !… Passer d’un Dieu qui nous éviterait des tuiles, ou même qui serait capable de les lancer lui-même – comme si Dieu envoyait des tuiles – à un Dieu sensible à nos détresses, et qui peut ce que peut l’amour dans ces cas-là : un amour qui a mal avec celui ou celle sur qui cette tuile vient de se fracasser !….
Nous avons aussi à faire ce passage pour que Dieu « tienne la route » en nous et que la foi en Lui reste crédible lorsque la vie se fait insupportable. Dieu n’a pas épargné son propre Fils en sa Passion, mais il était avec lui. Il a reçu sa vie et son amour l’a ressuscité.
Pour revenir à l’Evangile, ce jour-là, à Capharnaüm, Jésus accueille et guérit longuement, affectueusement, donnant pour toujours le signe de sa présence aimante auprès de tout être qui souffre et se laisse prendre par la main pour être relevé du désespoir.
Le lendemain matin, à l’issue d’une fin de nuit de prière, d’autres reviendront vers lui et les disciples lanceront au Seigneur : « tout le monde te cherche ! » Puissent-ils aujourd’hui encore le trouver et se laisser réconforter. Ce signe demeure aujourd’hui : c’est celui du sacrement des malades. Dans les sacrements et particulièrement dans celui-ci, par son Eglise, le Seigneur Jésus donne sa présence son amour et son soutien comme il l’a donné il y a deux mille ans. Même si cette onction d’huile ne guérit pas toujours physiquement le malade, accueillie dans la foi elle le relève en son coeur, comme autrefois fut apaisé et éclairé le pauvre Job en ses souffrances.
Enfin, l’attitude du Christ envers les malades est une vibrante invitation à le suivre sur ce chemin et à son exemple : « J’étais malade et vous m’avez visité » ! Les malades appellent notre amitié, notre présence discrète mais réelle, efficace aussi, afin d’accomplir pour eux ce qui peut alléger leur fardeau.
Tous les soignants professionnels sont bien sur en première ligne dans cette tâche fraternelle ; soit qu’ils servent à l’hôpital, dans les ehpads ou en service à domicile. Nous savons combien, en ce temps pour eux difficile, leur générosité sans faille les mène parfois jusqu’à l’épuisement, voire au-delà.
Pour eux aujourd’hui, comme pour les malades, nous prions. Qu’ils soient eux aussi soutenus par l’Esprit d’amour et de force que le Seigneur veut donner à tous.
Père Jean-Jacques Bodving