Homélie – Messe en mémoire de Mgr Didier Berthet

Messe en mémoire de Mgr Didier Berthet // Saint Saturnin d’Antony – 13 septembre 2023

Homme de rencontre, Pasteur et frère

Le 27 mars 2016, le soir du dimanche de Pâques, nous étions réunis dans cette église avec quatre générations de curés de Saint Saturnin. Didier présidait la célébration. Il était alors supérieur du Séminaire Saint Sulpice à Issy les Moulineaux, et témoignait de sa joie de nous retrouver dans cette fraternité au service de la mission à Antony. Quelques semaines plus tard, il était nommé évêque de Saint-Dié et nous nous retrouvions dans le Palais des Sports d’Epinal pour son ordination épiscopale. Il découvrait une nouvelle Eglise, heureux de servir son peuple et d’écrire une nouvelle page dans sa vie de Pasteur à la suite du Christ.

Didier aimait rencontrer, découvrir d’autres cultures, d’autres langues, d’autres traditions. Dans son histoire personnelle, il avait vécu cette rencontre entre le protestantisme, de par sa famille, et l’Eglise catholique vers laquelle il désira entrer pleinement lors de ses années d’étudiants. Il aimait s’investir dans ces rencontres, en particulier par l’apprentissage des langues étrangères, il avait ainsi appris le russe ou l’hébreu, ayant même séjourné dans un Kibboutz en Israël. Sa formation à Rome a joué un rôle décisif dans son amour de l’Eglise, comme il me l’avait glissé au moment où je m’apprêtais à entrer au séminaire en 1993 : « Ego vobis Romae propitius ero » (je te serai favorable à Rome) citant l’extase de Saint Ignace.  La figure de Jean Paul II l’avait profondément marqué dans son cheminement. Les relations avec le monde slave ont également beaucoup compté dans son cheminement. Il était un fidèle de l’abbaye de Chevetogne où il appréciait cette rencontre des traditions de l’Orient et de l’Occident. Il avait également développé des échanges culturels avec des universitaires ukrainiens où il participait chaque année avec Constantin Sigov à un cycle de conférences. Mystérieusement le début du conflit en Ukraine qui l’affectait particulièrement correspondait avec le début de sa maladie.

Au plus profond de lui-même, Didier était un pasteur. Combien ici peuvent témoigner de sa qualité de présence, d’accompagnement, de ses paroles de réconforts, de sa capacité à aider à discerner les choix de vie. Dans son ministère au séminaire, il aimait rappeler « ici on forme des pasteurs », il souhaitait des prêtres qui aiment profondément le peuple qui leur est confié, ce dont il a su lui-même témoigner à Reuil et à Antony. Pasteur qui conduit et marche avec son peuple, qui partage ses joies et ses peines, qui lui donne la nourriture en temps voulu et le conduit aux sources de la vie. Il s’émerveillait souvent de la beauté du ministère des prêtres, témoins de l’action de Dieu dans la vie des personnes. Dans toutes ses missions, il avait aussi particulièrement à cœur de servir les petits et les pauvres et ici à Antony, l’accueil Grand froid pour les personnes de la rue qu’il contribua avec détermination à lancer à Saint Saturnin en 2005, témoigne de son engagement concret au service des plus déshérités. Didier savait discerner et accueillir les propositions, c’est encore lui qui accompagna les débuts du groupe Effata qui poursuit fidèlement chaque mardi sa mission de louange.

Didier était aussi un frère et un ami. Tous ceux qui l’ont connu peuvent témoigner de de sa vaste culture qu’il aimait partager, de son goût pour la musique et le chant, de son humour et de sa connaissance sans faille des dialogues Michel Audiard qu’il savait décliner dans toutes les situations. Il aimait prendre du temps fraternel. Souvent, ces dernières années, il passait un temps de repos dans le sud du Finistère et dans le Morbihan où sa famille passait ses vacances. Deux anciens recteurs de Sainte Anne d’Auray m’ont appelé ces derniers jours pour témoigner de leur tristesse du décès de Didier. Il y a un peu plus de deux ans, nous nous étions retrouvé quelques jours dans le presbytère de Lesconil en pays bigouden avec Mgr Laurent Dognin, ancien prêtre de notre diocèse, et il nous partageait sa joie du ministère épiscopal et de sa mission pour l’œcuménisme, nous avions aussi évoqué les paroisses d’Antony et il m’avait alors confié son souhait de nous retrouver à nouveau avec Paul et Antoine dans cette église. Mais le temps a passé… trop vite. Venu suivre des traitements en région parisienne, un certain nombre d’entre nous avaient été le visiter à Thiais, et nous avions pu le rencontrer longuement avec Jean-Jacques et Ambroise. Il était même revenu à Antony déjeuner au presbytère et nous avions retrouvé le frère plein d’humour, qui évoquait ses souvenirs de paroisses ou du séminaire.

Jusqu’au bout, il a voulu vivre sa mission de Pasteur. Comme il le disait dans sa maladie « je veux vivre et pas seulement survivre » et sa décision de revenir dans son diocèse en février de cette année marquait sa détermination. Il aimait répéter cette phrase que Mgr Favreau lui avait écrite à l’occasion de son ordination diaconale : « une vie donnée est déjà une vie réussie ». Il a voulu accomplir jusqu’au bout ce verset de Saint Jean dont il avait fait sa devise épiscopale : « Je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. » (Jn 10, 10)

Ces dernières semaines, Didier était au centre de nos discussions, de nos préoccupations mais surtout de nos prières. Jusqu’à ce vendredi 8 septembre au soir, jour de la nativité de la Vierge Marie, où nous avons appris la triste nouvelle. Que Marie, Aurore du Salut et Mère de l’Espérance l’accueille dans la joie du Ciel avec son Fils Jésus que Didier a cherché et servi dans ses frères et dans l’Eglise tout au long de sa vie.

A Dieu Didier, puisses-tu de là-haut continuer à veiller sur ceux que tu n’as cessé d’accompagner en particulier les fidèles des Vosges, les prêtres que tu as formé et accompagné, tes proches, et veille aussi sur nos paroisses d’Antony que tu as tant servi et aimé.

Olivier LEBOUTEUX