Deux poids, deux mesures ! – Edito 2017 n°3

L’évangile de ce dimanche sur le pardon suit celui de dimanche dernier sur la correction fraternelle, selon un lien de continuité évident : si j’exprime à mon frère un reproche, c’est parce que je suis prêt à lui pardonner sa faute s’il la reconnaît. Mais dans quelle mesure y suis-je prêt ?

Le pardon nous est souvent difficile. Aussi le concevons-nous comme l’effet de notre volonté ou comme un effort méritoire. Et dès que nous avons réussi à l’octroyer, nous sommes prompts à nous en satisfaire, comme s’il s’agissait d’un acte isolé. Aussi Pierre pense-t-il être généreux en proposant de pardonner sept fois de suite.

Mais il se trompe – et nous avec lui – en posant au pardon une limite, fût-elle celle du nombre sept, symbole de perfection et de totalité. Car le pardon est un acte, mais aussi bien plus : une disposition du coeur, une qualité de l’amour. Il échappe donc à toute logique quantitative quant à sa fréquence. C’est pourquoi Jésus répond à Pierre en dynamitant les chiffres (pardonner soixante-dix fois sept fois).

Le pardon échappe aussi à toute logique quantitative quant à la gravité de l’acte à pardonner : songeons au Christ en Croix qui pardonne à ses bourreaux ! La parabole renforce ainsi le contraste entre notre logique et celle de Dieu et souligne l’incommensurable disproportion entre notre pardon et le sien : nous-même, en la personne du serviteur impitoyable, refusons un délai à ceux qui nous doivent peu (cent deniers, une petite somme du quotidien). Dieu, représenté par le maître généreux, nous remet une dette colossale (dix mille talents, soit plus de quatre-vingts fois la somme en or offerte à Salomon par la reine de Saba !)

Pour pouvoir pardonner, il nous faut d’abord être conscient de notre dette envers Dieu et de sa miséricorde infinie envers nous. Pour pouvoir accorder notre pardon, il nous faut d’abord accepter de recevoir celui de Dieu au-delà de ce qui nous est concevable.

Jésus nous invite aujourd’hui à passer de la finitude à la perfection en pardonnant aussi souvent que nous sommes offensés. Le pardon, comme l’amour, est sans mesure. Celui que nous sommes appelés à accorder dépasse nos capacités. Pouvoir l’exercer est une grâce. Demandons-la dans la prière.

Marc Leroi, séminariste