« Père », Le Dieu personnel, toujours accessible

Cycle de CATÉCHÈSE SUIVIE SUR LE NOTRE PÈRE

« Et moi, dans mon trouble, je disais : « Je ne suis plus devant tes yeux. »,
Pourtant, tu écoutais ma prière quand je criais vers toi. » (Ps 30,23)

Notre vie toute entière est marquée par l’expérience du sacré : la naissance d’un enfant, l’irruption d’un grand amour dans notre vie, l’observation de la nature et des forces de vie en elle, ou simplement de sa beauté stupéfiante, le mystère que constitue ma propre personne pour elle-même et l’exploration jamais finie de son intériorité… Tout cela nous semble être enveloppé ou porté par une réalité plus grande, réalité mystérieuse, qui tout en demeurant cachée se rend perceptible et nous devient familière. C’est le mystère du sacré, du divin. Dans toutes ces expériences cependant, ce sacré et ce divin peuvent revêtir une forme totalement impersonnelle.  Et cela ne va pas de soi de passer de l’indéfini, de l’indétermination de la réalité sacrée à la précision d’un visage divin. La plupart d’entre nous savent quelle peine a notre prière à trouver un point d’appui devant une réalité divine qui nous semble parfois bien muette, indéterminé et insaisissable. Il ne va pas de soi pour nous de passer du simple sentiment d’une chose à la rencontre d’une personne à qui l’on peut s’adresser, de passer d’une simple impression intérieure à la contemplation d’un visage, de passer de l’impression d’une force qui nous toucherait à la reconnaissance d’un cœur auquel nous pouvons aller. Il ne va pas de soi que notre regard intérieur, les paroles de notre esprit, les mouvements de notre cœur parvienne jusqu’à Quelqu’un et se sentent entendus et accueillis, ce qui en soi constituerait déjà une réponse.

Pour que l’on puisse s’adresser à quelqu’un, il faut d’abord que ce quelqu’un nous y autorise, que ce quelqu’un s’ouvre à moi, en remarquant ma présence, en prêtant attention à ma personne et en me prenant au sérieux. Autrement, ma parole et ma pensée n’ont aucune prise sur lui et ne parviennent jamais jusqu’à lui.

Voilà donc la première et grande grâce du Notre Père. Dieu nous fait lui-même le don d’être pour nous une présence personnelle. Lui le premier nous donne cela et nous demande de nous adresser directement à lui, parce qu’il est Quelqu’un, Quelqu’un de présent. En fait, c’est Lui le premier qui s’est intéressé à moi, a fait de moi quelqu’un, une présence, un être qui compte parce que Quelqu’un lui parle s’adresse à lui ; Il  a fait de moi un être dont l’essence est d’être tourné vers Lui. Dieu a fait de moi quelqu’un. Ce quelqu’un je le suis parce que Dieu m’interpelle, et tout mon être devient personnel, lorsque je réponds à l’appel de me tourner vers lui, pour parvenir à un dialogue, à un face à face de la parole.

Ainsi pour m’adresser à Dieu, il ne s’agit pas d’aller à tel endroit ou de procéder de telle façon, ou de prier à tel moment. Le Notre Père nous dit : Parle-lui directement et toujours ta prière lui parviendra, puisqu’Il est quelqu’un, puisqu’il n’est pas vague ou indéterminé.

A toute heure de ta journée, en tout lieu où tu te trouves, dans tout événement ou expérience de ta vie, quelques soient les choses qui accaparent ton cœur et ton existence, tu peux t’adresser à Dieu et ta prière, ton appel rencontrera Dieu. Cela peut-être peut nous sembler évident. Cela ne l’est pas. C’est quelque chose de très grand : qu’en tout lieu, tout temps, à partir de tout ce qui advient ou existe, il y ait un chemin vers Dieu qui soit toujours ouvert, et que notre appel, lancé avec une intention juste, atteigne toujours son but. Cela est très grand. Celui qui dans la prière fait cette expérience du visage de Dieu, de son caractère personnel et toujours accessible, celui qui sent que sa parole est accueillie et touche au but, celui qui éprouve cela doit en être très reconnaissant et garder ce sentiment comme un vrai trésor et une grande grâce. Tout l’accroissement de notre vie de grâce et de notre prière tiendra à l’approfondissement de cette expérience, et se réalisera dans le fait que cet appel du face à face avec Dieu deviendra de plus en plus précis, de plus en plus riche, proche et profond. Qu’en disant « Notre Père » nous puissions chaque jour nous ouvrir à cette grâce du Dieu personnel, toujours accessible, qui écoute nos prières, et que nous en vivions davantage en acceptant de tourner aussi nos visages et nos vies vers lui.

Père Ambroise Riché