« Notre » Père – Quelle fraternité ? La fraternité chez Paul

Cycle de CATÉCHÈSE SUIVIE SUR LE NOTRE PÈRE

« Notre » Père

Quelle fraternité ?
La fraternité chez Paul

Avec saint Paul, on observe que l’autonomie du christianisme par rapport au judaïsme s’exprime entre autre dans la notion proprement chrétienne du frère. Le frère est le fidèle chrétien et l’expression « faux-frères » marque ainsi clairement les limites de la fraternité chrétienne. La notion de frère a un fort enracinement théologique, c’est-à-dire qu’elle est profondément liée à la compréhension de qui est Dieu et de Son œuvre de salut. Ainsi chez Paul, l’idée de paternité est développée en un sens trinitaire. La paternité de Dieu concerne d’abord le Fils et nous par lui parce que Son Esprit est en nous et dit en nous « Père ». La paternité de Dieu est une paternité dont le Fils est médiateur dans l’Esprit. Dieu est d’abord Père du Christ, mais nous sommes dans le Christ par le Saint-Esprit. La paternité et la fraternité acquièrent ainsi une plénitude de signification. Elles ne sont plus seulement le fait de l’acte volontaire de l’élection par Dieu, mais elles désignent une réalité nouvelle, une nouvelle unité dans l’être, entre Dieu et les hommes et pour les hommes entre eux.

On a vu que chez les juifs, la notion de fraternité est tenu par en-haut par l’idée de Dieu-Père – source divine de la fraternité humaine car Père de tous – et par en bas par la doctrine relative à Adam, Noé, Abraham, comme souche humaine commune de toute l’humanité. Toute cette perspective est repensée dans le Christ qui est le Nouvel Adam, Père d’une nouvelle humanité. Avec le Christ paraît une nouvelle et meilleure humanité, un nouvel être homme, et par là une nouvelle fraternité humaine qui remplace l’ancienne, un nouveau lien à Dieu et un nouveau lien pour les hommes entre eux. L’ancienne communauté n’a été qu’une communauté dans le mal ; seule la fraternité nouvelle qui tend à l’universalité effective comporte une véritable unité dans le salut. On constate donc qu’il y a avec Paul, dans l’intérêt unique qu’il a pour le second et non pour le premier Adam, une critique décisive des lumières et de l’idée qu’elle se fait de l’humanité. La fraternité de Paul, non encore universelle doit le devenir. Tous les hommes ne sont pas encore frères dans le Christ mais ils peuvent et doivent le devenir.

Avec sa tendance universaliste, la doctrine paulinienne contient une certaine limitation de la fraternité de fait, qui ne peut plus s’entendre désormais comme une fraternité close mais seulement comme une fraternité ouverte. On le voit en particulier avec la conception nouvelle de la doctrine sur Abraham. Les vrais enfants d’Abraham sont ceux qui ont la foi et non la chair d’Abraham. Aux frontières nationales, succèdent ici les frontières spirituelles.

La communauté paulinienne n’est pas celle des cultes à mystères mais revendiquent au contraire une vie au grand jour. Elle prétend être la cellule initiale de la nouvelle humanité. Tout homme peut devenir chrétien, mais celui-là seul qui le devient est effectivement frère. Tout homme mérite qu’on lui témoigne de l’agapè, de l’amour, mais au seul frère chrétien revient la philadelphia, l’amour fraternel. Il y a un esprit d’amour fraternel qui dans le cercle étroit dépasse celui de la charité pour tous. On lit ainsi « Pratiquons le bien à l’égard de tous, et surtout de nos frères dans la foi » (Ga 6,10). Ou bien « Honorez tout le monde, aimez les frères » (1 P2,17).

Dans cette fraternité, toutes les précédentes barrières sont abolies – juifs, païens, esclave, homme libre, homme, femme mais en plus, dans la fraternité restreinte, se crée un lien réel, là où, dans l’idée d’humanité universelle, la notion de frère reste un idéal vide.

Père Ambroise Riché