Noël 2017 – Homélie du Père Lebouteux

Homélie Noël 2017 Ste Marie Antony

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De la salle commune à la mangeoire

Si l’on entend souvent parler de la place de la religion dans notre société. Nous pouvons en cette nuit nous interroger sur la place de Dieu dans notre monde et surtout dans notre propre vie. En venant assister à la messe de Noël, nous avons choisi de faire une place dans notre emploi du temps pour venir fêter la naissance du Sauveur. Nous avons pris le temps de nous renseigner sur les horaires et les lieux où nous pourrions participer à cet évènement. Mais après cette célébration, quelle sera la place dans notre vie pour Jésus dont nous célébrons aujourd’hui la naissance ?

Notre emploi du temps est souvent bien occupé, parfois trop occupé pour laisser à Dieu une petite place. Cela n’est pas nouveau, en sa naissance parmi nous, Dieu lui-même n’a pas trouvé de place dans la salle commune. Cette salle commune illustre bien, l’agitation de chaque jour où nous courrons sans savoir souvent où nous allons vraiment. Pour trouver Dieu, il faudra aller un peu plus à l’écart, dans le silence de la nuit. Pour rencontrer Jésus ce soir-là, il fallait accepter de venir à l’écart, dans la nuit et le silence, et le trouver finalement couché dans une mangeoire. Nous ne pouvons pas trouver une place pour Dieu dans notre vie si nous ne savons pas nous arrêter, venir à l’écart, prendre du temps pour considérer ce qui est vraiment important et ce qui a du sens. La fonction d’une mangeoire consiste à permettre aux animaux de trouver leur nourriture et donc les conditions de leur propre survie. Leur désir de vivre les conduits tout naturellement vers ce lieu où ils sauront trouver de quoi apaiser leur faim. Voilà une indication qui nous est précieuse pour comprendre que Dieu ne s’impose jamais dans la vie de quiconque mais qu’il se laisse trouver par ceux qui le désirent. Dieu se donne en nourriture à ceux qui le cherchent. Cette mangeoire où Dieu se rend présent aujourd’hui se trouve finalement au plus profond du cœur de chaque homme, là où il peut exprimer ses attentes et ses désirs les plus authentiques et les plus profonds. Le Seigneur nous attend au plus profond de nous-mêmes,

Madeleine Delbrêl, assistante sociale et mystique qui a vécu à Ivry-sur-Seine, jusqu’ à sa mort en 1964 a fait l’expérience d’un monde qui refusait Dieu, pour lequel il n’y avait pas de place. Elle n’a pourtant pas renoncé à vouloir témoigner de sa présence comme elle le disait : « Si tu vas au bout du monde, tu trouves les traces de Dieu ; si tu vas au fond de toi, tu trouves Dieu lui-même. » Nous pourrions, à la lumière de l’Evangile, exprimer cette phrase en disant que si nous restons dans la salle commune, c’est-à-dire, à la surface de nous-même, nous pourrons entendre parler de Dieu, entrer dans des débats pour savoir s’il existe ou non, s’il est bien passé là avant de reprendre la route… mais si nous avons le courage de descendre au plus profond de notre cœur, là où nous ne sommes plus soumis à la mode, au regard des autres ou aux préoccupations matérielles, alors nous pourrons y rencontrer cet enfant qui y sommeille depuis le jour de notre baptême, le prendre dans nos bras et nous laisser aimer dans un mouvement de confiance et de tendresse.

Un nouveau-né ne s’impose jamais, il attend d’être accueilli et aimé pour pouvoir grandir et déployer tout ce qu’il est. Dieu a ainsi pris le risque en venant au monde d’être oublié, d’être mis de côté, et même être rejeté.

La nuit de Noël est la plus formidable invitation que Dieu lance à toute l’humanité. Une invitation à lui laisser un espace, à lui faire une place dans notre vie. Prenons le temps, dans le silence de notre cœur, de découvrir cette présence si précieuse capable de nous combler bien au-delà de toutes nos attentes. Ne passons pas à côté du sens véritable de cette fête pour laquelle nous nous sommes déplacés en prenant du temps pour venir dans cette église. Découvrons la joie et la paix qui règne autour de cette mangeoire où l’enfant Jésus est couché, nous y percevrons également combien nous sommes aimés.

Laisser un espace pour Dieu, c’est permettre à chacun de retrouver toute sa beauté, sa dignité et sa grandeur et le sens profond de son existence. Que cette place autour dans la mangeoire pour accueillir Jésus en cette nuit de Noël puisse se retrouver dans notre vie sans disparaître dans la salle commune et son agitation de notre vie quotidienne. Ainsi Dieu sera vraiment présent au cœur de notre monde, car personne ne pourra venir l’arracher de notre cœur. Et comme l’exprime justement une prière de Madeleine Delbrêl : « Un jour de plus commence, Jésus veut le vivre en moi » et cette prière s’achève par ces mots : « Béni soit ce nouveau jour, qui est Noël pour la terre, puisqu’en moi Jésus veut le vivre encore. Ainsi soit-il. »

P. Olivier LEBOUTEUX